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Les NFT ont-ils été une révolution durable ou simplement une bulle passagère ? L’homme d’affaires Kevin O’Leary, connu du grand public pour son rôle dans l’émission Shark Tank, vient de prendre une position qui relance le débat.
En déboursant 13 millions de dollars pour une carte physique unique de basketball, il oppose la rareté tangible des objets réels à l’évanescence des jetons numériques. Ce choix soulève une question centrale : l’avenir de la valeur repose-t-il encore sur le virtuel ou revient-il vers le matériel ?
Une acquisition record dans l’univers des cartes de sport
La carte en question réunit les logos et signatures de deux icônes de la NBA, Michael Jordan et Kobe Bryant. Issue d’une série limitée de la collection Upper Deck Exquisite 2007-2008, elle est considérée comme un objet de culte par les collectionneurs. L’achat, réalisé avec deux autres investisseurs, établit un nouveau record mondial pour une carte de sport, dépassant largement les estimations initiales qui tournaient autour de 6 millions de dollars.
Pour Kevin O’Leary, ce placement ne relève pas d’un simple caprice. Il l’intègre à ce qu’il appelle son « index d’actifs rares », une stratégie d’investissement qui repose sur la diversification entre cryptomonnaies, métaux précieux et objets tangibles. Il affirme qu’il préfère détenir une fraction d’un objet unique plutôt que la totalité d’un actif numérique sans matérialité.
Des NFT relégués au rang de mode passagère
Lors d’une récente interview, Kevin O’Leary a qualifié les NFT de « mode passagère ». Selon lui, l’engouement qui avait fait grimper leur valeur entre 2020 et 2021 n’a pas survécu à la réalité économique et au manque d’ancrage tangible. En 2021, le marché des NFT avait atteint environ 25 milliards USD. Quatre ans plus tard, en 2025, il ne pèse plus que 600 millions USD, soit une baisse de plus de 97 %.
Ce retournement brutal illustre les limites d’une bulle spéculative alimentée par l’effet de nouveauté et les promesses technologiques. O’Leary admet qu’il n’a jamais vraiment compris ce marché, mais il se félicite aujourd’hui de ne pas y avoir investi massivement.
Le retour en force des objets tangibles
À la différence des NFT, les biens matériels rares continuent d’attirer les capitaux. Les données de marché indiquent que le secteur des objets de collection physiques connaît une croissance annuelle moyenne de 7,4 % jusqu’en 2025. Cette tendance concerne aussi bien les cartes de sport que les montres de luxe, les œuvres d’art et les automobiles de collection :
- Les ventes aux enchères de montres haut de gamme ont dépassé 2,3 milliards USD en 2023 ;
- Les œuvres d’art contemporaines représentent plus de 18 milliards USD de transactions annuelles ;
- Les cartes de sport premium ont vu leur prix moyen grimper de 150 % en cinq ans.
Ces chiffres témoignent d’une préférence croissante des investisseurs pour des actifs qu’ils peuvent posséder, exposer et transmettre. La dimension émotionnelle et patrimoniale y joue un rôle déterminant.
La blockchain au service des objets réels
Kevin O’Leary ne rejette pas totalement la technologie des NFT. Il imagine un futur où des cartes, œuvres ou montres rares seraient tokenisées afin de faciliter leur gestion et leur partage. Cette approche, connue sous le nom de « Real World Assets » (RWA), associerait la rareté matérielle à la transparence et à la liquidité offertes par la blockchain.
Ce modèle pourrait créer un pont entre deux mondes qui semblaient opposés : l’univers digital, marqué par sa rapidité et sa flexibilité, et l’univers physique, fondé sur la rareté et l’authenticité. La tokenisation des biens tangibles offrirait une nouvelle façon d’investir, en ouvrant l’accès à des actifs rares par le biais de parts fractionnées.
Une stratégie d’investissement tournée vers la durabilité
En repositionnant sa stratégie, O’Leary illustre le mouvement d’une partie des investisseurs institutionnels et particuliers : privilégier la durabilité et la sécurité. Les NFT, perçus comme trop volatils, cèdent le pas à des actifs tangibles qui conservent une valeur patrimoniale indépendante des cycles spéculatifs du numérique.
La valeur n’existe que lorsqu’elle repose sur la confiance, et la confiance se bâtit sur la rareté et la permanence des choses.
Warren Buffett, entretien avec CNBC, février 2012
Dans cet esprit, la carte Jordan-Bryant devient plus qu’un simple objet de collection. Elle est le symbole d’un basculement dans la manière dont les investisseurs appréhendent l’avenir de leurs portefeuilles.
Une invitation à repenser la notion de valeur
L’histoire récente des NFT rappelle que toute innovation peut basculer du statut de révolution à celui d’effet de mode. L’investissement dans des objets tangibles, tout en intégrant les technologies de traçabilité et de certification, suggère une nouvelle voie.
À l’heure où la frontière entre virtuel et réel s’estompe, la question essentielle reste celle de la confiance. Qu’est-ce qui mérite vraiment d’être considéré comme précieux : un jeton numérique ou un fragment d’histoire concrète ?