Titres Titres
La startup californienne Kite, anciennement connue sous le nom de Zettablock, vient de lever 18 millions de dollars lors d’un tour de Série A mené par General Catalyst et PayPal Ventures. Cette levée porte le financement total de l’entreprise à 33 millions de dollars, un signal fort de l’intérêt croissant pour les solutions combinant paiements numériques et agents d’intelligence artificielle autonomes.
Derrière ce projet se dessine un enjeu majeur : comment permettre aux systèmes automatisés d’interagir financièrement de manière fiable et sécurisée ?
Une infrastructure pensée pour l’« agentic web »
Kite développe une base technologique dédiée à ce que ses fondateurs appellent l’« agentic web », un internet où les agents logiciels, propulsés par l’IA, réalisent des tâches de manière proactive. L’objectif est de fournir une couche de confiance qui permette à ces agents de s’identifier, d’échanger des données et d’effectuer des paiements. Les règlements reposent sur l’utilisation de stablecoins, offrant rapidité et transparence.
Le produit phare, baptisé Kite AIR (Agent Identity Resolution), comprend deux composantes principales :
- l’Agent Passport, garantissant une identité vérifiable et des règles opérationnelles claires ;
- l’Agent App Store, un espace où les agents peuvent trouver et acheter des services ou API, réglés en stablecoins.
Selon la société, ce modèle doit ouvrir la voie à une nouvelle économie numérique interconnectée.
Des usages concrets en plein essor
Au-delà du concept, Kite a déjà entamé des déploiements stratégiques. Les commerçants présents sur PayPal ou Shopify peuvent, par exemple, s’enregistrer sur l’Agent App Store et devenir visibles pour des agents d’achat automatisés. Ces derniers pourront alors comparer des offres, passer commande et effectuer des paiements automatisés sans intervention humaine.
Ce système permet de réduire considérablement les frais liés aux transactions, tout en éliminant certaines difficultés récurrentes du e-commerce, comme les rétrofacturations. D’après les prévisions de Juniper Research, les paiements par agents autonomes pourraient représenter plus de 3 000 milliards de dollars de flux d’ici 2030, ce qui illustre l’ampleur du potentiel de ce marché.
Des soutiens financiers diversifiés
Outre General Catalyst et PayPal Ventures, la levée a rassemblé un ensemble varié d’investisseurs, dont 8VC, Samsung Next, SBI US Gateway Fund, Vertex Ventures, Hashed, HashKey Capital, Avalanche Foundation, LayerZero et Animoca Brands. Cet éventail souligne la convergence entre capital-risque technologique, finance numérique et gaming blockchain.
Kite est la première infrastructure conçue spécifiquement pour une économie d’agents.
Alan Du, partenaire chez PayPal Ventures
L’investisseur insiste sur la nécessité d’adapter les systèmes de paiement et d’identité aux vitesses et aux logiques propres aux interactions machine-à-machine.
Une réponse aux limites des systèmes actuels
Les infrastructures financières existantes ont été pensées pour des interactions humaines, lentes et vérifiées manuellement. Elles se révèlent peu adaptées aux agents capables de traiter des milliers d’opérations en quelques secondes. Le modèle de Kite répond à ce défi en proposant une infrastructure programmable et évolutive, qui facilite des usages tels que :
- Les micropaiements instantanés entre agents pour accéder à des données ou des calculs ;
- Les micro-abonnements automatisés, réglés en stablecoins, pour l’utilisation récurrente de services numériques ;
- Les échanges machine-à-machine dans l’Internet des objets, où des capteurs ou véhicules connectés pourraient payer pour des ressources énergétiques ou des mises à jour logicielles.
Comme l’explique le fondateur Chi Zhang, « les agents autonomes ont besoin de trois briques essentielles : identité, confiance et paiements. C’est exactement ce que nous construisons avec Kite ».
Un marché en pleine structuration
L’émergence des agents autonomes ne se limite pas au paiement. Elle touche déjà le secteur des services clients, de la logistique et du commerce électronique. Selon une étude de Gartner, d’ici 2027, plus de 20 % des interactions commerciales pourraient être initiées par des agents logiciels, contre moins de 5 % en 2023. Cette tendance pousse les investisseurs à soutenir des acteurs capables de bâtir l’infrastructure nécessaire.
Dans ce contexte, le positionnement de Kite attire l’attention : en combinant l’identité numérique, la monétisation et la gouvernance des agents, la startup cherche à se placer comme un standard incontournable de ce nouvel écosystème.
Vers une économie des agents autonomes
La dynamique autour des agents IA s’inscrit dans une transformation plus large de l’économie numérique. Les stablecoins, dont la capitalisation dépasse aujourd’hui les 160 milliards de dollars selon CoinGecko, jouent un rôle central en apportant stabilité et interopérabilité. Leur adoption croissante dans les paiements transfrontaliers crée un terrain fertile pour les expériences menées par Kite.
L’avenir de l’économie numérique sera façonné par des interactions où les agents logiciels négocient, achètent et vendent en notre nom, en toute autonomie.
Sundar Pichai, CEO de Google, conférence Google I/O, mai 2024 (traduit de l’anglais)
Cette vision, qui pouvait sembler lointaine il y a encore quelques années, se rapproche rapidement. Les initiatives comme celle de Kite indiquent que la prochaine étape de la finance numérique ne sera pas seulement humaine, mais également « agentique ».
Un appel à anticiper cette mutation
Si la promesse est immense, elle pose aussi des questions de régulation, de sécurité et d’éthique. Comment encadrer juridiquement des transactions menées par des agents autonomes ? Quelles responsabilités pour les développeurs et les plateformes ? Ces débats devront accompagner l’innovation pour éviter une fracture entre la technologie et la confiance du public.
Dans l’immédiat, l’initiative de Kite invite à réfléchir à la manière dont chacun pourrait se préparer à une économie où les interactions ne passent plus seulement par des humains. Entreprises, commerçants et particuliers devront décider s’ils souhaitent adopter ces nouveaux outils, ou risquer de rester en marge d’une transformation déjà en marche.