Titres Titres
- Une première mondiale pour 800 000 citoyens
- Un lancement solennel sous le regard des acteurs internationaux
- Technologies de rupture et calendrier de déploiement
- Le mining de Bitcoin comme levier d’innovation
- Vers une nouvelle citoyenneté numérique
- Repenser la relation entre État et citoyen
- L’inspiration d’une approche éthique de la technologie
À l’heure où les identités numériques prennent une place croissante dans la vie connectée, le Bhutan s’impose comme pionnier mondial en migrant l’intégralité de son système national d’identité numérique (NDI) sur la blockchain Ethereum.
Faut-il y voir l’annonce d’un bouleversement du rapport à l’État et à la confidentialité des données individuelles, voire un modèle à suivre pour des gouvernements en quête de souveraineté numérique ? C’est ce que nous allons analyser ensemble.
Une première mondiale pour 800 000 citoyens
Le Bhutan devient le premier pays à ancrer l’ensemble de ses identifiants citoyens sur Ethereum après un passage par Hyperledger Indy et Polygon. Désormais, près de 800 000 habitants disposent d’une identité numérique autogérée, accessible pour tous les services publics et privés en ligne, des démarches administratives à l’ouverture d’un compte bancaire.
Ce socle digital répond à un enjeu fondamental : garantir la véracité des preuves d’identité tout en laissant le contrôle des données personnelles à l’utilisateur. Selon les autorités nationales, cette migration vers la blockchain publique vise à offrir un niveau maximal de stabilité, de sécurité et de transparence. Jigme Tenzing, secrétaire de l’Agence GovTech, affirme ainsi :
Migrer vers Ethereum renforce la sécurité de notre identité numérique avec une infrastructure décentralisée pratiquement insensible aux perturbations. (…) Le choix d’Ethereum illustre notre ambition : placer la confiance et la souveraineté individuelle au cœur de la transformation numérique du pays.
Tiré du discours de Jigme Tenzing à Thimphu, le 13 octobre 2025
Un lancement solennel sous le regard des acteurs internationaux
La cérémonie de lancement du système sur Ethereum a réuni plusieurs personnalités emblématiques du monde des technologies et de la vie politique : le Roi du Bhutan, le Premier ministre Tshering Tobgay et Vitalik Buterin, cofondateur d’Ethereum. Cet événement officiel a renforcé la place du royaume comme chef de file des politiques publiques de gouvernance numérique à l’échelle globale.
En optant pour une identité numérique « self-sovereign », le Bhutan permet désormais à ses citoyens de prouver certaines attestations, compétences ou statuts, sans devoir divulguer l’intégralité de leur identité. Ce mécanisme repose sur des outils cryptographiques comme les zéro-knowledge proofs, ouvrant ainsi la voie à des échanges en ligne plus confidentiels et sécurisés.
Technologies de rupture et calendrier de déploiement
Jusqu’en 2024, le NDI du Bhutan reposait sur la blockchain Hyperledger Indy, puis a connu une phase d’évolution via Polygon afin d’en améliorer la confidentialité et l’évolutivité. Le choix d’Ethereum, officialisé en octobre 2025, incarne aujourd’hui une volonté de bénéficier de l’immuabilité et de la transparence reconnues du réseau.
Le transfert de toutes les identités numériques doit s’achever au premier trimestre 2026. Ce système maintient les données sensibles off-chain, seules les empreintes cryptographiques et les preuves d’authenticité étant alors écrites sur la blockchain. Un tel schéma technique protège la vie privée tout en assurant l’intégrité des processus. En résumé, cela donne :
- L’intégralité des identifiants citoyens migrée sur Ethereum d’ici début 2026 ;
- Les preuves d’identité reposent sur des protocoles cryptographiques avancés ;
- L’accès aux services publics et privés s’en retrouve accéléré et renforcé.
Le mining de Bitcoin comme levier d’innovation
Le Bhutan ne se limite pas à Ethereum pour son développement numérique. Depuis 2020, le pays exploite sa richesse hydroélectrique pour miner des bitcoins, ce qui l’a hissé au classement des grands détenteurs mondiaux. Selon les estimations, le Bhutan disposerait d’environ 11 286 BTC, soit près de 1,31 milliard de dollars à la mi-octobre 2025.

Les revenus tirés de cette activité contribuent directement au financement de projets innovants en matière d’infrastructures numériques et de transition énergétique. Cette stratégie long terme pourrait positionner le Bhutan comme un laboratoire de la transformation technologique à l’échelle de l’Asie.
Vers une nouvelle citoyenneté numérique
L’ambition du gouvernement, partagée ouvertement lors de la cérémonie de lancement, est claire : faire du Bhutan un modèle de gouvernance numérique et d’émancipation individuelle grâce à la blockchain. En favorisant l’interopérabilité et le contrôle citoyen, le système vise à ouvrir la société bhoutanaise sur la scène numérique internationale.
Le Premier Ministre Tshering Tobgay l’a rappelé devant Vitalik Buterin et les invités internationaux :
En nous appuyant sur Ethereum, nous créons un écosystème où chaque citoyen devient acteur de sa propre trajectoire numérique, tout en étant protégé par la technologie.
Repenser la relation entre État et citoyen
La migration de l’identité numérique du Bhutan sur Ethereum transforme profondément le rôle et la légitimité de l’État vis-à-vis de chaque citoyen. À travers une infrastructure décentralisée et transparente, ce modèle redistribue les responsabilités, renforce la confiance et instaurent de nouveaux droits. Plusieurs évolutions majeures marquent cette transition :
- La souveraineté numérique se traduit par un contrôle individuel accru sur les données personnelles, chaque citoyen décidant des informations à partager et à certifier pour accéder aux services ;
- La traçabilité, garantie par la blockchain, rend l’État redevable de ses actes administratifs tout en confiant à l’usager l’autonomie de gestion de ses identifiants officiels ;
- La fiabilité des processus d’identification est renforcée grâce aux preuves cryptographiques, qui facilitent la lutte contre la fraude et protègent les droits civiques ;
- Les collectivités peuvent personnaliser leurs applications selon les besoins locaux, en s’appuyant sur une technologie commune qui fluidifie les démarches et simplifie l’administration quotidienne ;
- Chacun peut rassembler différentes attestations — permis, diplômes, titres officiels — dans un portefeuille numérique, valorisant l’individu sur la scène sociale et professionnelle.
Ce système fait évoluer le contrat social vers une collaboration active : l’État apporte son expertise technique et garantit les cadres légaux, tandis que le citoyen devient acteur de son propre parcours numérique. De cette façon, l’identité sur blockchain ne se limite pas à une innovation technologique, mais initie une réflexion sur la gouvernance, l’inclusion et la liberté individuelle pour l’avenir.
L’inspiration d’une approche éthique de la technologie
Le choix du Bhutan inspire d’ores et déjà nombre d’observateurs et d’institutions à repenser leurs propres systèmes. Le pays démontre qu’une blockchain publique, alliée à une volonté politique forte, peut soutenir une citoyenneté numérique inclusive et éthique.
La réflexion est lancée : l’heure n’est plus aux discours, mais à l’expérimentation concrète des outils favorisant l’autonomisation des individus. Le Bhutan, par son audace et sa maîtrise technique, montre la voie vers une société où la technologie se met enfin au service du bien commun et de la liberté individuelle.