Titres Titres
- Une démarche politique et technologique assumée
- Des données diffusées sur neuf blockchains différentes
- Une volonté d’élargir le périmètre des données
- Réactions des marchés et innovations possibles
- Des réserves sur la portée réelle du projet
- Le cas controversé du XRP Ledger
- Vers une généralisation de l’open data décentralisé ?
Depuis août 2025, le gouvernement américain a amorcé un tournant inédit : les données économiques fédérales sont désormais publiées sur des blockchains publiques. Une première mondiale qui intrigue autant qu’elle interroge.
L’objectif annoncé est simple : offrir un accès direct, infalsifiable et universel aux statistiques majeures comme le PIB. Mais cette expérimentation pose une question de fond : l’usage de la blockchain pour la diffusion de données publiques est-il réellement pertinent et pérenne ?
Une démarche politique et technologique assumée
Le Département du Commerce des États-Unis, sous l’impulsion du secrétaire Howard Lutnick, a officialisé fin août un projet pilote visant à inscrire certaines données macroéconomiques sur la blockchain. Il s’agit pour Washington de renforcer la crédibilité et la traçabilité de ses chiffres économiques, à l’heure où la méfiance envers les institutions et les manipulations statistiques ne cesse de croître.
La blockchain ne remplace pas la confiance, elle la déplace simplement vers les algorithmes.
Vitalik Buterin, fondateur d’Ethereum, conférence Web3 Summit, septembre 2023
Dans un contexte d’élections et de revalorisation du rôle de l’État dans l’innovation, cette annonce a été perçue comme une vitrine technologique autant qu’un geste politique. La Maison-Blanche a soutenu cette expérimentation, voyant dans la blockchain un levier de souveraineté numérique et de rayonnement international.
Des données diffusées sur neuf blockchains différentes
Pour la première phase, le Bureau of Economic Analysis a publié les données du PIB du mois de juillet au format PDF, assorties d’un hash cryptographique. Cette empreinte numérique a été inscrite sur neuf blockchains publiques majeures :
- Bitcoin
- Ethereum
- Solana
- TRON
- Stellar
- Avalanche
- Arbitrum
- Polygon
- Optimism.
Deux oracles blockchain, Chainlink et Pyth Network, ont permis de propager ces données simultanément sur plusieurs réseaux, garantissant à la fois leur accessibilité et leur immutabilité. Cette approche multiplateforme témoigne d’une volonté de neutralité technologique et d’ouverture à différents écosystèmes.
Une volonté d’élargir le périmètre des données
Selon Chainlink, cette initiative ne s’arrêtera pas au PIB. D’autres indicateurs suivront : l’indice PCE, les ventes privées finales ou encore l’inflation de base. Ces flux seront mis à jour selon leur fréquence habituelle, avec des délais d’accès considérablement réduits grâce à la nature automatisée des smart contracts.
De son côté, Pyth Network a annoncé qu’il mettrait à disposition un historique de cinq ans de données trimestrielles sur la blockchain, pour renforcer l’analyse économique et la transparence à long terme.
Réactions des marchés et innovations possibles
L’annonce a eu un impact immédiat : le token LINK a enregistré une hausse de 5 %, et le PYTH a bondi de près de 50 %. Ces variations traduisent un enthousiasme des marchés pour la démocratisation de la donnée économique via la blockchain.
Ce type de diffusion ouvre la voie à de nombreuses applications : plateformes DeFi ajustant leurs taux selon le cycle économique, visualisations publiques infalsifiables, tableaux de bord macroéconomiques décentralisés, ou encore outils de prévision automatisés pour les investisseurs et les gouvernements :
- Les smart contracts pourront réagir en temps réel aux publications économiques ;
- Les plateformes de prêt décentralisé ajusteront leurs conditions selon la conjoncture ;
- Les chercheurs et journalistes accéderont à des archives garanties sans altération.
Des réserves sur la portée réelle du projet
Certains experts restent sceptiques : publier une empreinte numérique d’un fichier PDF sur une blockchain ne signifie pas nécessairement une révolution. La blockchain garantit l’intégrité d’un document, mais pas la véracité de son contenu initial. La question de la confiance dans la source reste donc entière.
Par ailleurs, cette initiative pose un débat éthique et stratégique : l’État doit-il dépendre d’infrastructures publiques, parfois instables, pour publier des données essentielles ? Cette transparence n’est-elle pas fragile face aux évolutions technologiques et aux cybermenaces ?
Le cas controversé du XRP Ledger
Un point a fait débat dans la communauté crypto : l’absence du XRP Ledger dans les blockchains retenues. Un validateur indépendant a démontré qu’il aurait été possible de publier la même information en quelques secondes et pour moins de 0,01 $, via un mémo ou un NFT sur XRP.
Selon lui, cette omission serait liée à l’incompatibilité actuelle avec les services Chainlink et Pyth, plutôt qu’à une décision politique ou technique. Cela relance la question de l’interopérabilité des réseaux publics dans les projets étatiques.
Vers une généralisation de l’open data décentralisé ?
À travers cette expérimentation, les États-Unis pourraient amorcer une nouvelle façon de concevoir l’open data : des données publiques infalsifiables, accessibles sans intermédiaire et exploitables en temps réel par des algorithmes décentralisés.
Si le projet prend de l’ampleur, d’autres agences gouvernementales pourraient suivre, des données climatiques à la sécurité alimentaire. Cela poserait de nouvelles bases pour la gouvernance des données publiques à l’ère numérique. À vous de voir maintenant : seriez-vous prêts à consulter vos statistiques économiques… sur une blockchain ?