Titres Titres
- Une dynamique soutenue d’achat depuis plus de deux mois
- BlackRock : une stratégie offensive dans le marché crypto
- Les implications d’une telle concentration de BTC
- Une évolution en phase avec les flux globaux du secteur
- Quel rôle pour les investisseurs particuliers dans ce nouveau paysage ?
- Vers une redéfinition de la gouvernance du Bitcoin ?
- Un tournant stratégique à ne pas ignorer
Depuis plusieurs mois, les fonds négociés en bourse (ETF) adossés au Bitcoin ne cessent d’attirer l’attention des investisseurs traditionnels. Le fonds IBIT, géré par le géant américain BlackRock, en est l’un des exemples les plus remarquables. Révélées par HODL15Capital sur la plateforme X, les données les plus récentes indiquent que cet ETF a accru ses avoirs en Bitcoin neuf semaines d’affilée.
Cette stratégie interroge : dans quelle mesure cette accumulation continue reflète-t-elle une confiance durable dans l’actif numérique ou une réponse tactique à la volatilité du marché crypto ?
Une dynamique soutenue d’achat depuis plus de deux mois
Le fonds IBIT de BlackRock détient désormais environ 107 139 BTC, selon les données compilées par HODL15Capital, relayées par PANews le 27 juin 2025. Cette accumulation s’est construite semaine après semaine, avec des volumes significatifs d’acquisitions. Cette semaine, le fonds a acheté 12 355 BTC. La semaine précédente, ce volume s’élevait à 11 678 BTC, et à 10 335 BTC il y a quinze jours.
Cette régularité dans les achats suggère une stratégie structurée d’exposition à long terme. Il y a trois semaines, le volume était plus modeste (616 BTC), mais l’ensemble s’inscrit dans une tendance haussière amorcée dès le mois d’avril, avec des pics notables comme les 22 359 BTC acquis il y a cinq semaines ou encore les 25 952 BTC achetés huit semaines plus tôt.
Ce type d’accumulation n’est pas anodin : il traduit une conviction affirmée et une volonté de peser davantage dans la sphère des actifs numériques. Il soulève aussi une interrogation sur la part croissante de ces institutions dans la gestion de la liquidité du Bitcoin.
BlackRock : une stratégie offensive dans le marché crypto
BlackRock n’en est pas à ses débuts dans l’univers des crypto-actifs, mais cette dynamique récente témoigne d’un tournant. Son ETF IBIT est rapidement devenu l’un des plus actifs du marché. D’après les données de Farside Investors, IBIT se positionne en tête des ETF américains sur le Bitcoin en termes d’entrées nettes, avec plus de 16 milliards de dollars d’actifs sous gestion à la fin juin 2025.
L’engouement pour ce type de produit s’explique en partie par la régulation favorable aux États-Unis depuis l’approbation des ETF Bitcoin au comptant en janvier 2024. Cette décision de la SEC a ouvert la voie à une intégration plus large des cryptomonnaies dans les portefeuilles institutionnels, apportant ainsi une légitimité accrue à ces instruments financiers.
Dans ce contexte, l’appétit de BlackRock pour le Bitcoin n’est pas isolé. D’autres institutions telles que Fidelity ou Ark Invest ont également renforcé leur exposition, mais avec des volumes moindres. Le choix de BlackRock de maintenir une trajectoire ascendante et régulière la distingue néanmoins.
L’ETF IBIT illustre notre volonté d’offrir aux investisseurs une exposition régulée, transparente et accessible au Bitcoin, tout en respectant les standards de la finance institutionnelle
Robert Mitchnick, responsable des actifs numériques chez BlackRock
Cette stratégie offensive soulève de nouvelles questions, tant sur la concentration des avoirs que sur les risques de centralisation dans un actif historiquement pensé pour être décentralisé.
Les implications d’une telle concentration de BTC
Le fait qu’une seule entité comme BlackRock détienne plus de 100 000 BTC interpelle les analystes et observateurs du secteur. Selon les données de CoinGlass publiées en juin 2025, cela représente environ 0,5 % de l’offre totale de Bitcoin, dont le plafond est fixé à 21 millions d’unités. Cette concentration croissante entre les mains d’acteurs institutionnels pourrait transformer durablement l’écosystème.
Certains craignent que cette mainmise freine la décentralisation initialement défendue par les pionniers du Bitcoin. D’autres, au contraire, y voient un signal de maturité pour l’actif, permettant une meilleure stabilisation de sa valorisation à long terme grâce à une détention moins spéculative.
Les effets se font également sentir sur les marchés : l’absorption régulière de volumes aussi élevés par les ETF influence mécaniquement le prix du BTC. Les tensions sur la liquidité disponibles pour les investisseurs individuels s’accentuent à mesure que ces volumes sont retirés des plateformes d’échange classiques.
Cette situation ouvre plusieurs pistes de réflexion sur les nouvelles formes de pouvoir économique que représentent les fonds crypto institutionnels :
- le rôle accru des gestionnaires d’actifs dans la gouvernance implicite du réseau
- la réduction de la volatilité, au prix d’une perte de diversité d’acteurs
- la transformation du Bitcoin en actif financier d’épargne long terme, plus que comme moyen de paiement
Une évolution en phase avec les flux globaux du secteur
L’appétit de BlackRock s’inscrit dans une tendance de fond. D’après les données publiées par CoinShares dans son rapport hebdomadaire du 24 juin 2025, les produits d’investissement liés aux cryptomonnaies ont enregistré plus de 1,6 milliard de dollars d’entrées nettes au cours de la semaine précédente, dont 94 % concentrés sur les produits adossés au Bitcoin.
Ce niveau d’afflux n’avait plus été observé depuis mars 2024. Les ETF lancés aux États-Unis dominent ce marché, tandis que l’Europe reste plus prudente malgré une réglementation claire grâce à MiCA. Le marché s’est globalement professionnalisé, intégrant des standards de transparence et de conformité de plus en plus stricts.
Le succès de l’IBIT, combiné à celui d’autres ETF américains, contribue à accroître le stock de Bitcoin détenu hors des plateformes d’échange, ce qui modifie en profondeur les dynamiques de liquidité et de prix. La notion d’‘offre flottante’ devient dès lors centrale pour comprendre les mouvements futurs du marché.
La stabilité croissante des flux d’investissements crée un environnement plus lisible pour les investisseurs institutionnels, ce qui renforce l’idée que le Bitcoin est désormais perçu comme un actif financier majeur, non plus marginal.
Quel rôle pour les investisseurs particuliers dans ce nouveau paysage ?
Alors que les institutions occupent de plus en plus de place dans le marché du Bitcoin, les investisseurs particuliers doivent redéfinir leur rôle. Selon une enquête de Glassnode publiée le 20 juin 2025, les portefeuilles individuels de moins de 1 BTC représentent encore 17 % de l’offre totale, mais leur part tend à diminuer avec le temps.
Cette évolution pousse certains utilisateurs à se tourner vers des stratégies alternatives : stacking de Satoshis, engagement sur les Layer 2 ou encore la détention hors des bourses (self-custody) pour conserver une forme d’autonomie. La montée en puissance des ETF transforme le Bitcoin en produit de placement passif, éloigné des usages transactionnels et communautaires de ses débuts.
Les investisseurs individuels peuvent néanmoins continuer à jouer un rôle d’aiguillon, en valorisant des modèles plus horizontaux, en expérimentant avec des technologies décentralisées ou en soutenant des projets alternatifs. Cette diversité reste essentielle pour préserver l’esprit d’origine du Bitcoin.
La question qui se pose désormais est celle de l’équilibre : comment assurer une cohabitation durable entre grands fonds institutionnels et utilisateurs historiques, dans un système qui a toujours revendiqué sa liberté ?
Vers une redéfinition de la gouvernance du Bitcoin ?
Au-delà de l’aspect financier, l’entrée massive d’acteurs institutionnels dans l’univers du Bitcoin interroge sur les mécanismes de gouvernance implicite du protocole. Même si les ETF n’ont pas de droits directs sur le fonctionnement du réseau, leur influence économique devient considérable.
Certains analystes estiment que la détention massive de BTC par quelques entités pourrait, à terme, orienter les choix techniques, comme l’adoption ou le refus de certaines mises à jour du protocole. Ces choix restent aujourd’hui théoriquement entre les mains des développeurs et mineurs, mais la pression des capitaux pourrait peser indirectement.
Cette transformation ne concerne pas uniquement le Bitcoin. D’autres blockchains, comme Ethereum, connaissent des phénomènes similaires avec la montée en puissance de validateurs institutionnels. C’est l’ensemble de l’écosystème des cryptomonnaies qui est confronté à cette nouvelle donne.
Nous devons repenser collectivement les modes de coordination décentralisée si nous voulons que les crypto-actifs conservent leur essence dans un monde dominé par la finance traditionnelle
Primavera De Filippi, chercheuse au CERSA-CNRS et affiliée au Berkman Klein Center (Harvard)
Face à ces mutations profondes, chacun est invité à s’interroger : quelle place souhaitons-nous laisser aux institutions dans un univers conçu pour s’en affranchir ? Le débat ne fait que commencer.
Un tournant stratégique à ne pas ignorer
La montée en puissance de BlackRock dans l’écosystème Bitcoin n’est pas un phénomène isolé : elle incarne une bascule dans les rapports de force entre finance traditionnelle et économie décentralisée. Cette accumulation méthodique d’actifs numériques témoigne d’une confiance renouvelée envers la technologie blockchain, mais soulève aussi des interrogations de fond sur la nature du contrôle, la redistribution des pouvoirs et la résilience de l’infrastructure décentralisée.
Plutôt que de se contenter d’observer cette mutation, les différents acteurs de la communauté crypto – développeurs, investisseurs particuliers, régulateurs, chercheurs – peuvent s’en saisir pour réinventer les modèles de gouvernance et renforcer l’inclusivité du réseau. Cela passe notamment par un soutien accru à la recherche open source, à l’éducation financière et à la transparence des pratiques de détention institutionnelle.
Il devient crucial de ne pas réduire cette évolution à une simple lecture économique. Le Bitcoin a toujours été porteur de valeurs politiques, sociales et techniques. Ces valeurs peuvent être ravivées dans le contexte actuel, à condition d’en faire un levier de réflexion collective plutôt qu’un objet de spéculation passive.
À l’heure où les lignes bougent rapidement, votre implication compte : suivre, comprendre et interroger ces évolutions, c’est déjà peser sur leur trajectoire. Le Bitcoin, loin d’être figé, reste un terrain d’expérimentation et de débat. La question reste ouverte : quelle place chacun est-il prêt à prendre dans cette transformation globale ?
